Pline le jeune, né vers l'an soixante, contemporain de l'empereur Trajan et ami de Tacite, a écrit de fort nombreuses lettres. Il regrette dans l'une d'elle que l'on s'intéresse moins à la poésie qu'avant, que l'on n'écoute plus guère les auteurs qui lisent leurs textes en public. Bref, il se lamente au début du premier millénaire comme on se lamente au début du deuxième. A méditer.
" Cette année a produit une abondante moisson de poètes. Dans tout le mois d'avril pas un jour ne s'est passé sans quelque lecture publique. Je me réjouis de voir les lettres fleurir, les talents se montrer et se faire valoir, malgré le peu d'empressement avec lequel on se réunit pour les entendre. La plupart restent assis dans des salles publiques et perdent en causeries le temps qu'ils devraient consacrer à écouter... et encore ils ne restent pas jusqu'au bout, mais se retirent avant la fin, les uns en s'esquivant et à la dérobée, les autres franchement et sans façon. Quelle différence, du temps de nos pères ! On raconte qu'un jour l'empereur Claude, se promenant dans son palais entendit des acclamations ; il en demanda la cause et, apprenant que c'était une lecture publique faite par Nonianus, il s'y rendit à l'improviste et à la grande surprise du lecteur. Aujourd'hui nos gens les plus oisifs, invités bien à l'avance, et avertis à plusieurs reprises, ou bien ne viennent pas, ou s'ils viennent, c'est pour se plaindre d'avoir perdu un jour, qui justement ne l'a pas été. Il faut accorder d'autant plus de louange et d'estime à ceux dont le goût d'écrire et de lire en public ne se laisse pas rebuter par cette indolence et ce dédain des auditeurs."
Etonnant, non ? A méditer, vous dis-je !
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