C'est la route qu'on n'a pas prise
qui essaime toujours - l'autre a fini
dans un sac au fond de quelle chambre
obscure*
Sur les coteaux et dans les combes des
enfances
Les sentes qu'on prenait
Avec des fleurs pareilles à des abeilles
Et des frémissements sous l'herbe sèche
Je ne les tiens plus dans mon pas qui
piétine
Je cherche encore les chemins détournés
Qui m'interdisaient leur mystère
A moi seul figé déjà dans un corps mal
assemblé
Quand la petite voisine y jetait ses
doux ans en pâture
Son rire et sa peau blanche
Guy Goffette, La vie promise, (Lettre à
mon voisin), 1991
Marcher dans la nuit, parler sous la
rumeur,
pour que le rayon du jour naissant fuse
et réplique à
mon pas*
Mes enfances encore sous les hivers trop
bas
Les signes de la nuit que je devais
conjurer
Entre l'eau des marais et les creux dans
la combe
Le petit peuple des chimères courait sur
ma peau
S'engouffrait dans ma gorge sans cri
La lumière tardait sous l'horizon
Haché des hautes herbes
Mes gestes rentraient dans mes gestes
Cloués par le noir sans issue
J'en contemple les restes sous mes mots
Les énigmes tapies
J'ai cinq ans pour toujours
Jacques Dupin, Le corps clairvoyant,
(Moraines), 1969
De toutes petites pensées tournent en
rond ici,
ne cherchent rien,
ne désirent rien.*
Elles zèbrent l'eau croupie des bassins
Où vont les feuilles mortes
Se changent en mouche dans les vieux
souvenirs
De lampes et de toile cirée
Quand l'ennui crépitait autour de mes
yeux
Elle se jettent sans dessein
Sur l'horizon froissé comme un drap
De mauvaise nuit
Elles n'ont pas assez de corps
Pour énoncer le temps qui manque
Le désir qui languit
Mes mots s'essouffleraient à les chasser
La marche seule parfois les dissout
Pӓr Lagerkvist, Angoisse, 1916
Formée de boues et de sédiments
une très confuse image
monte de l'absence*
Des chimères venues d'avant moi
Dans des souvenirs de fièvres
Au creux d'autres corps
Accompagnent encore mes pas
Les bêtes blanches ont des grimaces de
suie
Des remuements de lie des murmures de
vieille eau
Le temps ne les remise pas dans ses plis
Ma langue échoue à les combattre
Ma solitude est trop absente
Françoise Hàn, ne pensant à rien, (Absence),
2002
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire