jeudi 8 décembre 2016

La revue Phaéton, livraison 2016

La revue annuelle Phaéton est aussi bien une auberge espagnole (au bon sens du terme) qu'une tour de Babel avec ses résonances portugaises, russes, occitanes, anglaises et castillanes. Pluridisciplinaire, elle entretient un dialogue fécond entre les sciences humaines, les littératures et même la théologie.
Dans la livraison de l'année 2016 dédiée au regretté Henri Martin (fondateur de la librairie La machine à lire), Patrick Chastenet évoque la pensée de Jacques Ellul. Un chemin d'homme libre engagé dans sa foi protestante comme dans ses interprétations marxiennes du corps social. Un "écologiste" avant l'heure qui prônait une certaine ascèse mais pas la décroissance. Un visionnaire du rôle de la technique experte dans nos démocraties aujourd'hui confisquées par le libéralisme numérique...
Autre parcours singulier, celui de Juana Inés de la Cruz à Mexico au 17ème siècle. Paule Béterous nous livre un exercice d'admiration pour cette femme créole qui choisit le couvent afin d'écrire librement sa poésie tout en s'intéressant à l'observation scientifique et à la question de l'égalité des femmes, de leur accès à la connaissance.
Phaéton offre ensuite dans son cahier central une anthologie d'écrits de femmes (Sappho, Louise Labé, Emily Jane Brontë, Colette, Gabriela Mistral, Anna Akhmatova...) suivi d'un ensemble de poèmes intitulé Merles blancs. On y rencontre Jean-Luc Maxence, Florence Vanoli, le Guadeloupéen Daniel Maximin, la Brésilienne Cecilia Meireles, l'incomparable Bernard Manciet et Claire Massart dont j'aime la sensibilité aux éléments poreux des paysages qui fondent étroitement extériorité et intériorité.
La dernière partie de la revue, plus multiforme, mêle communications universitaires, nouvelles (La fleur ultime de Ronald Vega notamment, dont la chute est redoutable), récits brefs, extrait de pièce de théâtre (Courteline) et questionnaire de Proust (la danseuse et chorégraphe Concha Castillo). On retiendra l'article de Sophie Jaussi, La parole-fantôme : un écho hanté. Cette parole des gens de peu chers à Pierre Sansot, qui marque et qui fait mal, comme un membre amputé dont on garde la douleur jusqu'au dernier jour de l'absence...
Dans Le tigre et le papillon, Claire Mestre décrit l'oeuvre collective du photographe Arnaud Théval réalisée avec des surveillants de l'administration pénitentiaire. La déconstruction et la reconstruction de l'espace carcéral, de l'identité et de la fonction du surveillant, lui-même prisonnier des représentations symboliques de l'institution. 
Enfin, il faut noter la présence d'une iconographie très diverse : portait de Salvador Dali avec animal de compagnie par Libor Si, peinture d'Evelyne Petiteau en hommage aux femmes de lettres du monde, corps en mouvement de Roberto Giostra, diptyque au seuil du Taj Mahal signé Pierre Feytout...Afficher l'image d'origine
La revue Phaéton, qui a des correspondants sur tous les continents, est dirigée par Pierre Landete, écrivain et traducteur de l'espagnol. Disponible en librairie, elle coûte 20 euros.

Site : www.revue-phaeton.fr
Image entrevues.org

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